
Tassi Hangbé : Une bande dessinée redonne vie à la seule reine du Dahomey
Tassi Hangbé, l’amazone reine du Danxomè, de Nathalie Sagbo
Avez-vous déjà entendu parler de Tassi Hangbé ? Au XVIIIe siècle, cette figure emblématique a non seulement créé une armée d’amazones, mais a également mené des batailles marquantes qui ont façonné l’histoire de son pays. Aujourd’hui, son héritage est célébré à travers une bande dessinée captivante.
Les amazones, ces femmes puissantes qui s’élancent au combat et remportent des victoires, ne sont pas qu’un mythe de la mythologie grecque. Elles ont réellement existé, des rives de la mer Noire aux confins de la Chine et de la Mongolie, et en Afrique, notamment au Dahomey, l’actuel Bénin. La bande dessinée intitulée « Tassi Hangbé, l’amazone reine du Danxomè » met en lumière cette figure historique méconnue. Nathalie Sagbo, la scénariste de cet album, a souhaité faire connaître cette reine unique, qui a régné pendant trois ans et a fondé une armée de guerrières, les Agoodjie, les célèbres amazones du Dahomey. « Il y a un peu plus de cinq ans, j’ai découvert l’histoire de cette reine et j’ai immédiatement été fascinée. J’ai rencontré plusieurs personnes, dont Gabin Djimassé, historien et chercheur à Abomey, qui m’a raconté en détail son parcours », explique-t-elle.
L’unique reine du royaume de Danxomé
Tassi Hangbé, fille du roi Houegbadja et sœur jumelle du futur roi Akaba, a été élevée de manière atypique. « Elle a appris à manier les armes et à se battre, sans être traitée comme une petite fille, mais plutôt comme un garçon. Après avoir fondé une famille, elle a choisi de vivre au palais avec son frère lorsqu’il a eu besoin d’elle », raconte l’autrice. Après la mort tragique d’Akaba lors d’une bataille, Tassi décide de se déguiser en homme pour prendre sa place et mener son armée à la victoire. Elle s’impose alors comme reine régente, malgré les réticences d’une cour dominée par les hommes, et règne sur le Danxomè de 1708 à 1711.
Plus qu’une héroïne, un mythe inspirant
En adaptant l’histoire de cette héroïne africaine en bande dessinée, Nathalie Sagbo a entrepris un long voyage créatif. Après avoir écrit le scénario, elle a cherché un dessinateur. Avec Gilchrist Domingo, ils ont d’abord travaillé à distance, avant qu’il ne vienne s’installer chez elle pendant près de deux ans pour finaliser la BD. « C’est un travail de longue haleine. Je pourrais écrire un livre sur la genèse de cette bande dessinée », sourit-elle. Pour la préface, elle a immédiatement pensé à Angélique Kidjo, une femme béninoise forte et reconnue internationalement. Après plusieurs échanges par e-mail, elle a reçu avec joie la préface rédigée par la célèbre chanteuse.
Nathalie a été profondément touchée par la détermination et le leadership de Tassi Hangbé. « En découvrant son histoire, j’ai identifié trois valeurs fondamentales : le courage, la résilience et l’abnégation. Elle a sacrifié sa vie de famille pour régner, a pris la tête de l’armée après la mort de son frère, et n’a jamais abandonné face aux obstacles », souligne-t-elle.
En choisissant le format de la bande dessinée, l’autrice vise un large public, de 7 à 77 ans, avec l’ambition de faire connaître l’histoire de cette reine à tous, y compris aux enfants. « J’ai une fille de 10 ans et je constate que les personnages des bandes dessinées sont souvent éloignés de notre réalité. Il est essentiel d’avoir une héroïne béninoise, africaine, à laquelle elle puisse s’identifier », ajoute-t-elle.
Les Agodjié, ces amazones du Dahomey
L’histoire de Tassi Hangbé met en lumière le rôle central des femmes dans l’histoire, souvent négligé en Afrique et ailleurs. Non seulement elle a levé et formé une armée d’amazones, mais elle a également contribué à l’émancipation des femmes en leur ouvrant l’accès à de nouveaux métiers tels que la poterie, le tissage et le travail du fer.
Dans sa préface, Angélique Kidjo souligne l’importance du travail de Nathalie Sagbo : « Il est crucial de revenir à notre passé pour mieux comprendre notre culture actuelle, dont nous ne sommes pas toujours fiers. » Elle évoque également un proverbe africain : « Tant que l’histoire de la chasse est racontée par le chasseur, le lion sera toujours vaincu. »
L’histoire ne s’arrête pas là. Nathalie Sagbo travaille actuellement sur un dessin animé pour faire connaître l’histoire de Tassi Hangbé de manière ludique. Des traductions de la bande dessinée en anglais et en portugais sont également prévues. Parallèlement, elle lance une plateforme associative, Cœur des amazones, pour soutenir les petites filles et les femmes dans leurs projets entrepreneuriaux. « L’objectif est de leur faire prendre conscience qu’elles peuvent tout accomplir. »
Interrogée sur la possibilité qu’une femme dirige le Bénin aujourd’hui, elle souligne que le pays a une vice-présidente, Mariam Chabi Talata. « Si une femme peut être vice-présidente, il ne reste qu’un petit pas à franchir », conclut-elle avec optimisme.
Thom Biakpa
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