Libula

Restitution du Tambour Parleur : Une loi française ouvre la voie au retour en Côte d’Ivoire du Djidji Ayôkwé

Cérémonie rituelle au musée du quai Branly, à Paris, en présence de membres de la communauté bidjan, en vue de la désacralisation du tambour « parleur », le Djidji Ayôkwé, avant sa restitution à la Côte d’Ivoire / RFI



Le 7 juillet 2025, les députés français ont adopté à l’unanimité une loi historique permettant la restitution à la Côte d’Ivoire d’un tambour parleur, le Djidji Ayôkwé, également connu sous le nom de tambour Ébrié. Cette œuvre d’art, conservée en France, est sur le point de retrouver sa terre d’origine après un long processus de demande et de négociation.


Le tambour parleur, un demi-cylindre de bois mesurant trois mètres trente de long et pesant près de 430 kilos, servait autrefois de moyen de communication pour le peuple atchan. Son son puissant pouvait porter jusqu’à vingt kilomètres, permettant de convoquer des assemblées ou d’alerter la population en cas de danger.


L’histoire de ce tambour est marquée par des événements tragiques. En 1916, des villageois ont été punis par les autorités coloniales pour avoir refusé de participer à des travaux de traçage d’une route reliant Abidjan à Abobo, ce qui a conduit à l’arrachage du tambour. En 1929, il a été exposé au musée du Trocadéro, avant de rejoindre le musée du quai Branly, où il a été restauré en 2022. Depuis lors, il attendait dans une caisse, en attendant son retour.


La Côte d’Ivoire a officiellement demandé la restitution de ce tambour en 2019, dans le cadre d’une liste de 148 œuvres réclamées. Bien que le président Emmanuel Macron se soit engagé à rendre l’objet en 2021, le processus a pris du retard. Ce n’est qu’après une sensibilisation des sénateurs français lors d’un séjour en Côte d’Ivoire que des propositions ont été formulées au ministère français de la Culture.


Pour que la restitution soit possible, une loi devait être adoptée, car le tambour fait partie des collections publiques de la France, protégées par un régime d’inalliabilité etd’imprescriptibilité. Cela signifie qu’une loi est nécessaire pour défaire cette protection. La loi adoptée ce lundi stipule que, par dérogation, le tambour ne fera plus partie des collections publiques.


La France, en l’absence d’une loi-cadre concernant les biens soustraits durant la colonisation, a été contrainte de voter des lois spécifiques pour chaque objet restitué. Ce fut le cas pour les trésors d’Abomey restitués au Bénin et le sabre d’El Hadj Omar restitué au Sénégal. Bien que deux lois-cadres aient été adoptées en 2023 concernant d’autres types de biens, la France reste en retard par rapport à d’autres pays européens qui ont déjà mis en place des politiques de restitution.


Vincent Negri, chercheur au CNRS, a souligné le paradoxe de la situation, notant que la dynamique de restitution initiée par le rapport Sarr/Savoye en 2018 a eu un fort retentissement à l’international, tandis que la France peine à établir un cadre clair pour ces questions.


La loi spécifique sur le tambour parleur précise que les autorités françaises disposent d’un délai d’un an pour transférer le bien à la République de Côte d’Ivoire, marquant ainsi une étape significative dans le processus de restitution des œuvres d’art africaines.

Thom Biakpa

Post a comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *