Ahmed Sékou Touré – L’homme qui a dit “ Non” à De Gaulle
Crédit Photo : La nouvelle Tribune
Il restera à jamais l’une des voix les plus puissantes des indépendances en Afrique, le précurseur du panafricanisme, le symbole de la lutte contre l’impérialisme et de la critique du néocolonialisme. Ahmed Sékou Touré, premier Président de la République de Guinée (1958-1984) a marqué de son empreinte, l’histoire de la lutte anticoloniale. Né à Faranah (Guinée Orientale) en janvier 1922, dans une famille musulmane modeste d’ethnie malinké, Ahmed Sékou Touré a tiré sa révérence, le 26 mars 1984 dans un hôpital à Cleveland aux Etats-Unis des suites d’un malaise cardiaque.
De la vie et de la lutte politique de Sékou Touré, l’on garde surtout en mémoire son « non » au référendum du général de Gaulle, le 28 septembre 1958. Pour de nombreux Guinéens, surtout au sein de l’ancienne génération qui a participé à la lutte pour l’indépendance, il demeure une figure de la résistance à l’ancien colonisateur. Il a honoré la Guinée et l’Afrique, en donnant le signal des indépendances en Afrique francophone. De lui, subsistent encore cette image d’un souverainiste hostile à tout interventionnisme extérieur et ce célèbre discours prononcé le 28 septembre 1958.
Ce jour-là, galvanisé par la foule, Sékou Touré consomme la rupture avec le général français. De ce discours, l’on retient encore des morceaux choisis : « Il n’y a pas de dignité sans liberté. Nous préférons la pauvreté dans la liberté à l’opulence dans l’esclavage ». Des propos qui ont eu le don de confondre De Gaulle, contraint de plier l’échine face à la rigidité de Sékou Touré. « On a parlé d’indépendance, elle est à la disposition de la Guinée, la métropole ne s’y opposera pas, elle en tirera bien sûr les conséquences », répondit le général, en demandant aussitôt le retrait de l’administration civile et militaire française de la Guinée.
Sékou Touré, pour beaucoup, c’est aussi ce dirigeant qui a doté son pays de sa propre monnaie, œuvré pour l’unité du continent en participant à la création de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA). D’ailleurs, la Guinée, avec Diallo Telli, occupera le premier poste de secrétaire général de 1964 à 1972. L’ancien président a également soutenu de nombreux mouvements de libération nationale, allant du Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela au Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), d’Amilcar Cabral. Il a aussi ouvert les bras à de multiples révolutionnaires exilés, comme le Camerounais Félix Moumié ou le Ghanéen Kwame Nkrumah, après son renversement en 1966.
Cependant, nombreux sont ceux aussi qui n’ont pas perdu le souvenir des années les plus sombres d’un règne qui a duré 26 ans. Ils n’ont pas oublié le parti unique, la confiscation des libertés, la violence et le tristement célèbre camp Boiro. Pour eux, Sékou Touré rime encore avec terreur, exécutions, délation. C’est l’homme à cause duquel tant de Guinéens ont dû se résoudre à l’exil. Un passif lourd, ineffaçable, fait de morts et de drames, sur lequel le coup d’État du 3 avril 1984 viendra jeter une lumière crue.
Les complots qui ont jalonné les années de pouvoir d’Ahmed Sékou Touré, de l’indépendance jusqu’à sa mort, illustrent parfaitement la complexité du personnage (et la difficulté des historiens à enquêter sur l’histoire de la Guinée). Reprenant une rhétorique complotiste qu’il utilisait déjà avant 1958, le PDG a déclaré successivement le pays sous la menace des « intellectuels tarés », des enseignants, des commerçants, de la « cinquième colonne », de femmes, etc. [5] Sékou Touré lui-même a parlé d’un « complot permanent » qui viserait son pays.
Chantre du nationalisme pour les uns, tyran pour les autres, l’ancien président a laissé un héritage ambivalent. En témoigne la polémique née de la décision de la junte au pouvoir de donner son nom à l’aéroport de Conakry.
Thom Biakpa
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