Amadou Mahtar M’Bow: Hommage à un pilier de l’UNESCO
Ahmadou Mahtar Mbow, le premier Africain Directeur général de l’UNESCO, s’est éteint dans la nuit du 23 au 24 septembre
« Profondément humaniste et intellectuel complet, Amadou Mahtar M’Bow a marqué notre institution en défendant avec force l’exigence de solidarité et d’égale dignité entre les peuples et les cultures. Tout au long des mouvements d’indépendance, il a également œuvré pour que chaque État trouve sa place à l’UNESCO, donnant ainsi corps et réalité à l’ambition du multilatéralisme ». Tels sont les mots que la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay a eu en l’endroit de Ahmadou Mahtar M’Bow, en hommage à celui qui fut le premier africain à diriger cette institution, disparu dans la nuit du 23 au 24 septembre 2024.
Né à Dakar en 1921, Ahmadou Mahtar M’Bow a d’abord fréquenté l’école coloniale puis l’école coranique. Actif dans la vie politique sénégalaise, il est nommé ministre de l’éducation et de la culture (1957-1958) et démissionne pour s’engager dans la lutte pour l’indépendance. Après l’indépendance du Sénégal, il devient ministre de l’Éducation nationale (1966-1968), puis de la Culture et de la Jeunesse (1968-1970) et député à l’Assemblée nationale. Il est nommé sous-directeur général de l’UNESCO pour l’éducation en 1970 et élu directeur général en 1974.
Pendant les 13 années de son mandat, M. M’Bow a supervisé certains des projets de l’UNESCO qui allaient être reconnus comme faisant partie du travail principal de l’organisation.
Il a également supervisé le travail du secrétariat pour la Convention du patrimoine mondial et a reçu les premières ratifications qui ont permis à la Convention d’entrer en vigueur. Il a supervisé la compilation des premiers sites sur la liste du patrimoine mondial en 1978.
M. M’Bow a également lancé l‘Histoire générale de l’Afrique, qui tente de remédier à l’ignorance du passé de l’Afrique. L’Histoire générale de l’Afrique (HGA) est un corpus pionnier, qui ne laisse plus dans l’ombre la période précoloniale et qui intègre profondément le destin de l’Afrique dans celui de l’humanité en mettant en lumière ses relations avec les autres continents et la contribution des cultures africaines au progrès général de l’humanité.
« Nous lui devons l’œuvre scientifique monumentale qu’est l’Histoire générale de l’Afrique, qui a donné au monde, et plus particulièrement aux Africains, les moyens de s’approprier leur propre histoire et d’envisager l’avenir avec confiance », Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO
Pendant son mandat, Amadou Mahtar M’Bow a lancé un célèbre appel à la communauté internationale pour la restitution d’un patrimoine culturel irremplaçable à ceux qui l’ont créé, ce qui a conduit à la création du Comité intergouvernemental pour la promotion du retour de biens culturels à leur pays d’origine ou de leur restitution en cas d’appropriation illégale.
« Les hommes et les femmes de ces pays ont le droit de récupérer ces biens culturels qui font partie de ce qu’ils sont ».
Il a également présidé à la désignation des premières biosphères. Au cours de cette période, l’UNESCO a reconnu les zones protégées comme des régions modèles qui concilient la conservation de la biodiversité et le développement durable.
Amadou Mahtar M’Bow a également plaidé avec force en faveur d’un « nouvel ordre mondial de l’information et de la communication », car à l’époque, les informations internationales étaient fournies exclusivement par cinq grandes agences de presse, toutes basées en Europe et en Amérique du Nord, et les nouvelles qui en résultaient circulaient essentiellement du Nord au Sud. Ce travail a conduit au lancement d’initiatives durables telles que le Programme international pour le développement de la communication (PIDC), créé en 1981.
Amadou-Mahtar M’Bow est l’auteur de nombreuses publications, dont plusieurs sur les missions de l’UNESCO, notamment Aux sources du futur : La problématique mondiale et les missions de l’UNESCO ( L’Harmattan, 2011). Il a également contribué aux publications de l’Académie du Royaume du Maroc à travers une trentaine d’articles traitant des grands problèmes culturels, politiques, économiques et sociaux du monde, souvent dans une perspective africaine. Dans une édition spéciale du Courrier de l’UNESCO, le Directeur général a écrit une série d’articles appelant à « un besoin plus grand que jamais de tolérance et de compréhension ».
La célébration de son 100e anniversaire en 2021 a été l’occasion de revenir sur ses réalisations et de rappeler la profondeur de son message, lors d’une cérémonie spéciale organisée au siège de l’UNESCO.
Thom Biakpa
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