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Bokassa 1er, l’histoire rocambolesque d’un empereur mort loin de sa couronne

Photo: Nofi media

Si les Français dans leur histoire ont connu Napoléon 1er, les Africains et plus particulièrement les Centrafricains eux, avaient Bokassa 1er. Un homme atypique qui a régné de main de maitre sur la République Centrafricaine de 1966 à 1979.

A l’état civil, il se nommait Jean-Bedel Bokassa et est né en 1921 en République de Centrafrique. Il fait partie de ces dirigeants qui sont partis d’un village pour arriver au sommet d’un empire ; mais sa monarchie, calquée sur celle de Napoléon, s’est effondrée sous le poids de ses trop grandes ambitions.

Une ascension fulgurante

Jean-Bedel Bokassa est né au faîte de l’empire colonial français, qui contrôlait de vastes pans d’Afrique. Alors que son père se rebelle contre l’autorité française, entrainant sa mort et celle de son épouse, Jean-Bedel n’a que 6 ans. Ce dernier choisit de rejoindre l’armée coloniale. Il participe au débarquement de Provence et à la Libération, puis à la guerre d’Indochine et d’Algérie. Elevé au grade de capitaine, récipiendaire de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre, il va finalement demander à rejoindre l’armée centrafricaine naissante, qui a obtenu son indépendance comme la quasi-totalité de l’Afrique en 1960.

Son cousin germain, David Dacko, est alors le premier président de Centrafrique. Bokassa prend rapidement la tête de l’armée sous les ordres de Dacko, mais la stagnation économique et des conflits aux frontières convainquent Bokassa qu’il faut renverser le régime. Il lance ainsi un coup d’Etat dans la nuit du 31 décembre 1965 et prend le pouvoir dans les premières heures de l’année 1966.

Bokassa finit par obtenir la reconnaissance de la France et mène une politique francophile qui satisfait Paris, l’exploiteur des mines d’uranium de Bakouma. Il entretient alors des relations amicales avec les présidents français, surnommant le général de Gaulle « père », Georges Pompidou « mon frère », et Giscard d’Estaing « cousin ». Il aurait même été prêt à exfiltrer le général de Gaulle lors de mai 68.

Mais le dictateur, au règne extrêmement brutal, finit par sombrer dans la mégalomanie la plus totale. Il instaure son « Empire centrafricain » le 4 décembre 1976, et se fait couronner « Sa Majesté impériale Bokassa Ier » le 4 décembre 1977, marquant lanniversaire des 173 ans du couronnement de Napoléon Bonaparte.

Une cérémonie ratée

Le couronnement se déroule au palais des sports de Bangui, reconverti pour l’occasion. Bokassa porte une réplique du costume de Napoléon lors de son sacre, au luxe ostentatoire : cape brodée d’hermine, robe incrustée de perles… Il s’agit d’une aubaine pour les entreprises françaises, qui fabriquent l’orfèvrerie et les apparats de la cérémonie. Pierre Cardin conçoit la garde-robe, le sculpteur Olivier Brice crée un trône en forme d’aigle, la couronne de 7000 carats de diamants est confectionnée par le joailler Claude Arthus Bertrand…

La liste des invités à cette cérémonie est gigantesque et digne dun événement impérial. On y trouve le Pape Paul VI, duquel il compte prendre la couronne des mains pour la poser sur sa tête comme l’a fait Napoléon, le shah d’Iran et l’empereur du Japon, Valéry Giscard d’Estaing etc. Mais les États n’envoient que des ambassadeurs ou boudent tout simplement l’événement. Sauf le roi de Basoche, Didier 1er. Ce dernier organise un canular étudiant qui vise à proposer à Bokassa de représenter son « royaume de Basoche », qui n’est qu’une pure invention. La Centrafrique accepte et Didier Piganeau, se présentant comme Didier Ier de Basoche, participe ainsi à la célébration.

Bokassa Ier est déplacé après le couronnement en carrosse de bronze et d’or dans tout Bangui, mais la mort de deux des chevaux à cause de la chaleur du pays force la famille impériale à finir le trajet en limousine. La cérémonie coûte au final, 100 millions de francs, payés en partie par Khadafi et par une imposition exceptionnelle : c’est le quart du budget annuel de Centrafrique qui est ainsi dépensé pour l’ego du dictateur.

Puis patatras

La folie des grandeurs ne s’arrête pas à ce couronnement.Alors que les relations avec la France se tendent, l’empereur a maintenant ses yeux sur la bombe atomique. Le 20 septembre 1979, alors que Bokassa est en Libye, les forces spéciales françaises prennent possession de Bangui et David Dacko proclame le retour de la République.

En parallèle, le Canard enchaîné, un journal français, révèle l’affaire des « diamants de Bokassa » : Valéry Giscard d’Estaing aurait obtenu en 1973 de coûteux diamants comme cadeau de la part du dictateur, embarrassant le président français qui vient de renverser un ancien allié.

Bokassa s’exile en France mais revient en Centrafrique en 1986, où il est immédiatement arrêté. Il finit condamné à la peine de mort, jugement transformé en réclusion criminelle. Il est amnistié en 1993 et meurt trois ans plus tard d’un arrêt cardiaque à Bangui, loin de toute couronne.

Thom Biakpa (avec Geo.fr)

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