La photographie africaine : histoire et devenir d’une pratique dans une société au riche patrimoine culturel
La photographie a été inventé le 19 août 1839, lors d’une séance officielle à l’Institut de France par Louis-Jacques-Mandé Daguerre (1787-1851), décorateur de théâtre parisien, qui a divulgué le premier procédé photographique qu’il était parvenu à mettre au point en tirant parti des recherches de son associé, Nicéphore Niépce.
Surnommé « daguerréotype », ce procédé consistait à fixer l’image positive obtenue dans la camera oscura sur une plaque de cuivre enduite d’une émulsion d’argent et développée aux vapeurs d’iode. Permettant d’obtenir pour la première fois une reproduction directe et précise de la réalité, cette invention fut immédiatement saluée par l’ensemble de la communauté scientifique et franchit les frontières dès septembre 1839, rencontrant un grand succès à l’étranger.
L’introduction de la photographie sur le continent africain se situe au 19ème siècle, peu de temps après son invention en Europe. Dès les années 1880, des photographes d’origines créoles s’étaient installés dans certaines grandes villes de l’Afrique de l’Ouest comme en Gold Coast ( actuel Ghana ). Son arrivée en Afrique qui est le fait des explorateurs/colonisateurs européens s’est effectuée au fur et à mesure que ceux-ci s’immisçaient au cœur de l’Afrique. Mais, en même temps que les missionnaires et explorateurs européens s’établissaient sur le sol africain jusqu’à coloniser la quasi-totalité des territoires du continent, les noirs qui constituaient ces colonies au contact de l’homme blanc ont commencé à s’intéresser à la photographie.
D’une partie à une autre de l’Afrique, l’essor que connaissait la photographie dans telle région n’était pas la même que dans une autre, les colonies britanniques ayant une longueur d’avance avec des pays comme le Liberia, la Sierra Leone, le Ghana et le Nigeria. Un des pionniers africains de la photographie et de la carte postale serait un certain Akhurste, originaire de la Gold Coast (actuel Ghana).
Au début du 20eme siècle, la discipline a commencé à se répandre sur le continent grâce à des amoureux de cet art qui ont fait preuve de beaucoup d’ingéniosité pour pouvoir obtenir des clichés. Parmi eux, Antoine Freitas, congolais, qui a écrit en 1939 au dos d’une de ses photographies, envoyée à un ami : « Tu me vois au milieu des autochtones du Kasaï. Dans cette région, on m’appelle le féticheur. Les gens n’aiment pas être photographiés, je suis obligé de leur donner une boîte de riz. Je suis perçu comme un banda [sorte de frère ennemi] dont il faut se méfier » (Revue noire, no 21, juin-juill.-août 1996).
A Kinshasa, la photo de studio s’est développée grâce à des photographes comme Jean Depara (1928-1997, de son vrai nom Lemvo Jean Abou Bakar Depara). Autres précurseurs, au Sénégal : Mama Casset, né en 1908 à Saint-Louis du Sénégal et mort à Dakar en 1992, ainsi que Ibrahima Thiam.
De 1958 à la fin des années 1970, comme tous ses collègues en Afrique de l’Ouest, Cornélius Augustt Yao Azaglo photographe ivoirien a connu une période de grande prospérité : c’est l’âge d’or du portrait photographique en noir et blanc réalisé par des artisans qui maîtrisaient l’ensemble du processus opératoire de la prise de vue au tirage sur papier. Grâce à son studio baptisé « Studio du Nord » installé dans le Nord de la Côte d’Ivoire, le seul studio photographique en activité en Côte d’Ivoire à cette époque.
L’incontournable Seydou Keita du Mali, considéré par beaucoup comme le père de la photographie africaine qui l’a propulsé au-delà des frontières du continent, dans les plus grands musées et les plus grandes collections du monde. « Je savais que mes photos étaient belles […], la beauté c’est l’art. » affirmait-il. Toutes ces personnalités ont contribué à faire reconnaître la photographie africaine au même titre que la photographie occidentale.
Dans la société africaine traditionnelle, la photographie s’exerçait dans des studios photos uniquement par des professionnels. Les photographes étaient majoritairement sollicités pour les mariages, les baptêmes, des cérémonies de tout genre afin d’immortaliser les évènements familiaux à travers des portraits.
Après l’accession à l’indépendance de plusieurs pays africains dans les années 1960, la pratique de cet art a connu une mutation. « la photographie africaine est née d’une appropriation sans complexe d’une technique sans en subir l’esthétique, déclaraient Saint-Léon et Pivin. C’est peut-être en ce sens que l’on peut dire qu’il existe des photographies africaines, sans pourtant chercher à vouloir créer un style ».
Dans la dynamique de la période post-coloniale, la démographie et le développement constant des grandes villes ont modifié par la même occasion la place de la photographie au sein de la société africaine. La nouvelle génération de photographes, plus nombreuse et plus mobile a redistribué les cartes. En effet, ils ont davantage commencé à s’impliquer dans la vie socio-culturelle où ils tenaient un rôle majeur. L’agitation des années qui suivirent les indépendances a donné naissance à des festivités en tout genre dans presque l’ensemble de l’Afrique. La photographie statique, cantonnée à un studio photo s’est déportée dans les rues, lors des festivals de danses, de musiques, lors des tournois de football etc.
Dans le même temps, certains régimes dictatoriaux faisaient de la photographie un moyen de propagande afin d’inspirer la crainte chez les opposants. Les dirigeants politiques s’offraient les services des meilleurs photographes, qui filmaient l’exécution des opposants ou photographiaient leurs corps sans vie pour les faire paraître dans les journaux.
Aujourd’hui, la photographie est une constituante indispensable de la société moderne africaine et même traditionnelle. Si les pratiques de la photographie sont aussi diverses aujourd’hui sur le continent que sur les autres, c’est grâce aux pionniers qui amorcé la pratique et qui ont su véhiculer leur savoir à la nouvelle génération qui a su l’adapter à l’évolution.
La photographie africaine plus urbaine que jamais se pratique en tout temps et en tout lieu. Professionnel ou amateur, doté d’appareil photo ou de smartphone, tout le monde parvient à tirer son épingle du jeu. De nouvelles pratiques telles que la photographie animalière ont vu le jour, qui met en avant la richesse naturelle de l’Afrique. Les hommes les plus riches et les plus influents, passant des hommes politiques aux entrepreneurs et aux artistes chanteurs en ont fait un puissant moyen de communication notamment à travers les réseaux sociaux. Elle n’est plus réservée à une frange de la population, mais est universelle et à la portée de tous.
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