Univers de l’art plastique Monné Bou, le maitre de la peinture par jet, célébré à travers une exposition qui retrace ses 50 années de carrière
Crédit Photo: RFI
Sa technique de peinture est extraordinaire et unique. Elle vaut, à elle seule, du spectacle. C’est la peinture par jet. Monné Bou, cet artiste-plasticien hors pair, est inégalable dans cette technique de peinture. Elle consiste à jeter la peinture sur la toile sans la toucher. Les jets commencent par donner des milliers et des milliers de pointillés. Le même jet lui permet d’avoir des traits. Tantôt des formes d’enfants, tantôt un paysage, comme La forêt d’hévéa.C’est un graphisme particulier, qui n’existe nulle part au monde et dont il est le maitre incontesté.
Cette technique, l‘artiste dit l’avoir expérimentée pour la première fois, lorsqu’il étudiait aux Beaux-Arts à Marseille, en France : « Je faisais ça avec l’encre de Chine. Quand les esprits sont mauvais, on mélange le kaolin et puis on asperge, pour chasser les mauvais esprits », revele-t-il.
Depuis le jeudi 7 mars 2024, à l’initiative de plusieurs acteurs du monde de l’art visuel, une exposition se tient au Musée des civilisations d’Abidjan, en hommage à celui-là même qui a consacré 50 années de sa vie à l’art plastique et qui a réussi à travers ses œuvres, à faire voyager les férus de l’art visuel dans des mondes faits de couleurs et d’originalités.
Cette exposition qui se tient jusqu’au 21 mars 2024, a pour thème : « Monné Bou : le mystère du jet, 50 ans après ». Dans la salle dédiée à cette exposition, des diplômes présentent le parcours universitaire de l’artiste, des galeries photos retracent ses expositions aussi bien en Côte d’Ivoire qu’à l’international.
À cela s’ajoute une rétrospective sur son travail. Christelle Mangoua, la commissaire de cette exposition, montre ainsi deux autres techniques utilisées par cet artiste : « On s’est rendu compte qu’autour des années 1993, 1994, 1995, Monné Bou a changé un tout petit peu. Il a commencé à représenter les pagnes tissés. Plus on évoluait dans les années 2010 à 2020, on est allé un peu sur des lignes en fait, c’est des dessins, je pense qu’il les appelait l’écriture directe et c’est vraiment des dessins qu’il fait, mais très fins », explique-t-elle.
Retiré depuis quelques années à Adiaké au sud de la Côte d’Ivoire, plus précisément à Attiékoi, pour cause de maladie, Monné Bou continue de peindre dans son atelier. Ses œuvres dialoguent aussi avec les toiles d’autres artistes, auxquels il a pu transmettre ses connaissances.
L’homme était également professeur d’université. Sa démarche artistique a ainsi marqué de nombreux jeunes plasticiens, à l’image d’Isidore Koffi, qui s’est approprié la technique de Monné Bou, qu’il revisite à sa manière. Il se définit comme un « tâchiste », en référence à la technique du jet initiée par Monné Bou : « Le maître Monné Bou, dans la forme de l’œuvre, à une certaine distance, il y a une réalité que nous pouvons percevoir. Les amas de coloris, ce sont des points qui, à une certaine distance, vont construire une image, comme un mouvement. C’est pareil aussi dans mes créations, je tiens compte toujours de l’éloignement. Quand on est plus proche, on a l’impression d’être dans un chaos, mais à une certaine distance de l’œuvre, on voit une scène de vie. C‘est à travers tous ces éléments graphiques, à travers la tâche, que j’ai retransmis cette vie. »
Aujourd’hui âgé de 80 ans, Monné Bou a toujours conseillé à la jeune génération, la patience et l’endurance dans toutes leurs entreprises. « A tous les artistes plasticiens de Côte d’Ivoire, nos jeunes États ont leurs priorités. Ils font quand même des efforts pour former des collectionneurs. Avec patience, nous pouvons vendre des œuvres ; nous ne courons pas, nous allons au pas. Évidemment, l’artiste qui crée est en train d’enfanter. Quand on fait une toile et qu’on le signe, on vient de mettre un enfant au monde à qui on a donné toute l’intelligence pour que cet enfant voyage seul », conseille-t-il.
Voir Monné Bou à l’œuvre est un moment d’introspection, de voyage interne, de mystère. Surnommé le « sorcier de la peinture ivoirienne », il fait du figuratif à travers une technique abstraite et complexe. Monné émerveille et c’est peu dire.
Thom Biakpa
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