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Rassemblement Démocratique Africain : rôle majeur dans le processus de décolonisation en Afrique Noire francophone

Fondé en 1946 au Congrès de Bamako, le rassemblement démocratique africain est une ancienne fédération de partis politiques africains, la plus importante force politique de l’ère de la colonisation dans les territoires français d’Afrique.

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le monde entier est plongé dans une crise politique sans précédent.

Les puissances coloniales jusqu’alors intraitables, se révèlent beaucoup plus fragiles et vulnérables à l’exemple de la France, qui a succombé face à l’Allemagne.

En Afrique, les noirs qui ont pris part à cette guerre, voient dorénavant le blanc d’un autre œil ; il n’est pas invulnérable. Cette fragilité du colonisateur blanc, n’a pas échappé aux yeux des élites noires des colonies françaises d’Afrique qui à partir de 1945 en raison des nombreux efforts fournis et de leurs revendications, ont commencé à siéger à l’Assemblée à Paris. Cette élite noire, constituée entre autre du Sénégalais Léopold Sedar Senghor, du Soudanais Fily Dabo Sissoko, du Dahoméen Sourou Migan Apithy, du camerounais Douala Manga Bell, du Congolais Jean-Felix Tchikaya, et de l’Ivoirien Félix Houphouët Boigny, entend tirer profit de ce nouveau statut nouvellement acquis de citoyen français.

La métropole autorise la création de partis politiques africains. Au départ, ils sont associés aux partis politiques français comme la SFIO. Cette association a pour but, de contrôler les actions menées par les partis politiques africains afin de les garder sous influence de l’administration coloniale française.

Félix Houphouët-Boigny, épaulé par ses pairs notamment Gabriel d’Arboussier, Fily Dabo Sissoko, Lamine Guèye, appelle à un rassemblement à Bamako en Septembre 1946, malgré les tentatives de l’autorité coloniale de faire échouer cette initiative.

La France se méfie de Félix Houphouët-Boigny, proche du Parti communiste français ( PCF ) et de l’Union Soviétique qui critiquent la colonisation, et met tout en œuvre pour empêcher ce rassemblement d’avoir lieu. Les socialistes africains Léopold Sédar Senghor et Lamine Gueye sur conseils de leurs parrains Français boycottent le congrès de Bamako, attitude que Senghor reconnaîtra plus tard comme « une erreur ».

Le congrès finit par se tenir du 19 au 21 Octobre 1946 à Bamako, capitale du Soudan français, sous la présidence de Félix Houphouët-Boigny, qui n’aurait pu s’y rendre sans l’avion affrété par le ministre communiste de l’Air Charles Tillon. Ainsi, ce congrès aboutit à la création du Rassemblement démocratique africain, fédérant des partis politiques locaux sur la base de l’anticolonialisme, sous le regard rempli d’espoir de centaines de militants venus de toute l’Afrique.

Le Rassemblement Démocratique Africain est « une réalité indépendante des conceptions philosophiques ou religieuses, des affinités ethniques, de la situation sociale » comme le dispose la circulaire du Comité de coordination du RDA du 26 Février 1947.

 

Dans cette circulaire, on retrouve le discours remarquable de Félix Houphouët-Boigny sur sa conception de ce rassemblement : « La résolution exprime les idées fondamentales qui seront la base du Rassemblement : élaboration d’une politique qui reconnaisse et favorise le lieu, l’expression de l’originalité africaine en rejetant toutes les entraves d’une fausse assimilation. L’objectif essentiel du rassemblement est de réaliser à tous les échelons de l’organisation politique l’union que manifestent les africains. Sa tâche primordiale, dans la période actuelle, est donc l’union de toutes les forces anticolonialistes à l’intérieur de chaque territoire ».

Sa vision, est de fédérer des forces politiques africaines, au-delà des clivages politiques, religieux, et culturels. Le rassemblement ne constitue pas pour autant un parti politique traditionnel, mais plus un cadre de coopération des élus socialistes et communistes africains, permettant une action unitaire en matière de revendication des droits des africains. Ses membres élus restent principalement représentants de leurs partis locaux, avec leur mode de fonctionnement propre.

Voyant son influence grandir, Paris décide de réagir notamment au début des années 50, à travers une succession de répressions dans tous les territoires français d’outre-mer. En Côte d’Ivoire, les autorités coloniales s’emploient à favoriser les dissensions internes à l’aide d’agents provocateurs et font incarcérer en masse les militants du parti, générant une montée des tensions.

Durant toute l’année 1949, les grèves, les manifestations et les affrontements se multiplient, faisant officiellement une cinquantaine de morts et plus de 3 000 arrestations. En janvier 1950, plusieurs cadres sont arrêtés ; l’un d’eux, le sénateur Victor Biaka Boda, est même décapité. En février 1950, les autorités interdisent toute réunion du RDA. Malgré toute cette répression, la décennie 1950 est le moment d’effervescence du parti, qui est à l’origine d’un grand élargissement de son audience. A son apogée, le Rassemblement Démocratique Africain était composé du Parti démocratique africain ( Côte d’Ivoire ) de l’Union Soudanaise ( Mali ) du Parti Voltaïque ( Haute Volta ) de l’Union des Populations du Cameroun, du Parti Démocratique de Guinée, du Parti Progressiste du Niger, du Parti Progressiste Tchadien, du Parti Progressiste Congolais, et du Comité Mixte Gabonais.

Dans ce contexte, en 1957 est créée l’Union Générale des Travailleurs de l’Afrique noire instiguée par le RDA qui remporte de nombreuses victoires électorales entre 1956 et 1957. Après l’adoption de la loi cadre Deffere du 23 juin 1956, le débat sur le fédéralisme divise la classe politique africaine. Ainsi, lors du congrès du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) au collège technique de Bamako entre le 25 et le 30 septembre 1957, Félix Houphouët-Boigny et la section ivoirienne du parti défendent contre le reste des cadres une indépendance de chaque pays africain vis-à-vis des autres.

Le 15 Février 1958, des partis africains réunis au palais Bourbon à Paris refusent de s’unir sous la bannière du RDA et fondent à Dakar le 28 mars, face au RDA, le Parti du regroupement africain (PRA), partisan d’une unité fédérale africaine sous l’impulsion de Léopold Sédar Senghor. À la conférence de Bamako des 29 et 30 décembre 1958 initiée par Gabriel d’Arboussier, les représentants du Sénégal, de l’actuel Mali, de la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et du Dahomey (actuel Benin) écrivent l’acte de naissance de la fédération du Mali.

En 1959, la Haute-Volta et le Dahomey se retirent, dissuadés par la France et par la Côte d’Ivoire, qui créent avec eux le Conseil de l’entente. Un an plus tard, c’est au tour du Sénégal de prendre son indépendance. Le 22 septembre 1960 Modibo Keita proclame l’indépendance de la république du Mali. De fait, cette proclamation est la reconnaissance de l’indépendance sénégalaise puisque le Soudan se retrouvait seul au sein de la fédération depuis le départ du Sénégal le mois précédent.

Aujourd’hui, l’héritage laissé par le Rassemblement Démocratie Africain est intact. Les partis politiques nés de ce rassemblement à l’exemple du PDCI-RDA continuent de faire les beaux jours de la sphère politique des États ouest africains, plus d’un demi-siècle plus tard.

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