Madjiguène Cissé, hommage à un symbole de la lutte des “Sans Papiers” en France
Madjiguène Cissé, une figure de proue de la lutte des Sans-Papiers: Photo: Alamy
28 juin 1996, quelques 300 Africains déambulent dans les rues de Paris à la recherche d’une place forte d’où défendre leurs droits. Une femme à la tête de ce mouvement, fait parler son courage et sa témérité en décidant de leur faire franchir les portes de l’église Saint-Bernard, dans le 18è arrondissement au cœur du quartier de la Goutte d’Or. Son nom, Madjiguène Cissé, une sénégalaise diplômée d’Allemand.
Sous sa houlette, nait le mouvement de lutte des “ Sans Papiers”, ces étrangers, noirs Africains pour la plupart, vivant en France sans titre de séjour valide et traqués au quotidien par le ministère de l’intérieur français. Pendant huit semaines, ils occupent l’enceinte de l’église Saint-Bernard de la chapelle et tiennent tête aux lois Pasqua-Debré. Cette occupation débouche sur une grève de la faim, qui va précipiter l’attention de tout un pays et mettre au cœur du débat national, une nouvelle catégorie de citoyens.
Mais le 23 août 1996, ils sont délogés manu militari de l’église Saint-Bernard et sont conduits vers d’autres cieux. Depuis lors, le mouvement grâce à l’audace de Madjiguène Cissé, prend de l’ampleur avec des rassemblements un peu partout en France. Les Sans-Papiers parviennent à inscrire leur lutte dans la durée grâce à un fonctionnement interne particulier. Ils gagnent de la visibilité et ont désormais des visages, des délégués, des porte-paroles etc.
Omniprésente, elle a toujours veillé à ce que les Sans-Papiers soient maîtres de leurs décisions. Dans les rapports entre les Sans-Papiers et les militants présents en soutien à cette lutte, Madjiguène Cissé pèse de tout son poids pour que ceux-ci soient informés et associés le plus étroitement possible, tout en respectant les décisions des Sans-Papiers. Elle participe aussi à l’auto-organisation des femmes sans-papiers.
En participant consciemment à la popularisation d’un mot « Sans-Papiers », cette femme de conviction a inversé l’image des immigrés sans carte de séjour. Avec cette expression, les « clandestins » sont entrés dans la lumière, les illégaux sont devenus des personnes privées d’un droit. Elle-même reconnaîtra que si le mot a fait mouche, il assigne les intéressés à une position de victime, ce qui selon elle, est à la fois juste et problématique.
De retour au Sénégal, Madjiguène Cissé poursuit son action militante en direction des femmes avec l’animation du Réseau des femmes pour le développement durable en Afrique.
Les discussions avec elle étaient parfois vives, ponctuées de mouvements de la tête et des yeux qui lui étaient propres et chargés de signification.
Née le 26 septembre 1951 à Dakar au Sénégal, c’est avec une vive émotion que le monde de la lutte pour les droits de l’Homme appris son décès le 15 mai 2023, à l’âge de 71 ans.
Thom Biakpa
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